Chère Carène Mezino, puissiez-vous reposer en paix.
Nous ne vous connaissons qu’à travers tous les témoignages rapportés dans les médias. Ils concordent pour tracer de vous le portrait d’une jeune femme pleine de qualités, d’empathie et de dévouement, tant dans ses activités professionnelles que dans sa vie privée. En un mot, le genre de personne dont le décès prématuré est particulièrement injuste.
Vous n’auriez pas dû être arrachée aux vôtres dans ces abominables conditions, Carène !
Et pourquoi est-ce arrivé ? Parce qu’un psychotique laissé à l’abandon par la psychiatrie errait au lieu d’être accueilli sans un établissement de soins !
On va dire à vos proches en deuil que c’est un récidiviste, qu’il n’a pas pris ses traitements, que sais-je encore, bref qu’il est au minimum partiellement responsable, alors que c’est un MALADE non ou mal pris en charge. Le responsable, qui, comme d’habitude se défausse, c’est l’Etat !
Comme d’habitude (votre drame n’est que le dernier d’une longue série[1]), en réaction à votre martyre, tous les politiciens, au pouvoir ou dans l’opposition, vont dire : stop, il faut faire quelque chose ! Les patrons des services de psychiatrie publique clament leur manque de moyens depuis des décades[2]. Les derniers établissements de soins au long cours continuent à être menacés de fermeture ou au moins de rationnement des soins[3] par les soi-disant super gestionnaires des ARS qui n’ont toujours pas compris que les psychotiques sévères ont besoin de soins de longue durée, parfois illimitée, et de beaucoup d’accompagnement humain pour espérer un hypothétique rétablissement. Et que pour eux, le « virage ambulatoire » équivaut à les abandonner au bord du trottoir. Pour notre part, nous ne cessons de sonner l’alarme depuis 2003 au moins[4], et nous ne sommes pas les seuls.
Chère Carène, nous voudrions tant que votre mort si inacceptable soit aussi utile à la société que l’a été votre vie trop courte. Mais de l’Au-delà où vous vous trouvez maintenant, vous savez sans doute déjà qu’il n’en sera rien.
Avec toute notre respectueuse affection et notre sympathie pour vos proches,
Capitaine Narcisse de Brissac
des Mousquetaires du Cœur
Images : site CHU Reims
[2] Voir par exemple interview du Pr Antoine Pelissolo (CHU Créteil) France Info 23/05/2023. Le Pr Pelissolo, soutien de notre action, anime la page Psy4i.
Capitaine Narcisse de Brissac