…à cette mauvaise blague gouvernementale. Deux déclarations de politique générale en trois mois ont réaffiché cette ambition qui se révèlera immanquablement factice. D’une part parce que l’histoire récente montre que les autorités de ce pays se fichent pas mal de la « santé mentale » en dehors des beaux discours, d’autre part parce que le gouvernement n’a pas la queue d’un kopek pour financer quelque mesure que ce soit dans ce domaine, sauf du style peau de chagrin.
1. Un joli miroir aux alouettes
La prose officielle a élaboré un beau menu en quatre services, reste à savoir ce qui arrivera dans les assiettes :
• La déstigmatisation : c’est le poncif de toutes les associations. C’est bien beau, mais comment fait-on pour « faire changer le regard » du public sur les troubles psychiques, surtout psychiatrique, avec tous ces faits divers mettant en cause des malades (on y reviendra ci-dessous).
• la prévention et le repérage précoce : ça aussi ça revient souvent, et c’est effectivement un axe d’action louable. Mais il faut des moyens…
• L’amélioration de l'accès aux soins partout sur le territoire : alors là, c’est vraiment le nœud du problème, parce qu’il faut vraiment de gros moyens, et on n’en n’a pas, ou on les a détruit depuis longtemps. Nous y reviendrons plus loin.
• L’accompagnement des personnes concernées : c’est ce qui vient logiquement avec ou après les soins, c’est le prolongement du point précédent et il pose les même problème de moyens.
2. Le Gouvernement peut vous raconter tout ce qu’il vous plaira de croire, l’Etat n’a plus un sou vaillant pour financer ses ambitions en matière de santé
Vous venez de le vivre, les deux budgets de l’Etat et de la Sécu, passés au forceps du 49-3, continuent d’aggraver le déficit et la dette parce que ministres et parlementaires ont été incapables, comme d’hab, de trouver des économies. Il y en avait pourtant des toutes simples, comme de réduire les enveloppes des ex-présidents et anciens premiers ministres, de ne pas augmenter les indemnités des députés. Des broutilles ? Oui, mais hautement symboliques et qui représentent combien de reste-à-charge sur des millions de boîtes de médocs ? de centaines d’emplois de soignants dans les hôpitaux ? de dizaines de postes de flics ou de greffiers ? D’autres économies demanderont plus de temps, comme la suppression de ces centaines d’agences nationales « Théodule », dont la maigre contribution utile ne devrait pas être trop difficiles à réintégrer dans l’Administration régulière. Tenez, dans le domaine de la santé, les « missions » de la HAS, l’ANSM, Santé Publique France, l’Agence de biomédecine, l’Agence du numérique en santé, l’ANSEM, etc. n’ont qu’à réintégrer le ministère de la Santé, celles des ARS les services préfectoraux… Trop de rats dans leur fromage, trop de bureaucrates qui, trop souvent déconnectés du terrain, pondent des diktats toxiques. ¡ AFUERA ! que n’avons-nous un Javier Milei dans ce pays englué.
En attendant, c’est l’orchestration de la pénurie à l’encontre des citoyens qui paient ces prébendes. Réduction du nombre de lits d’hospitalisation, fermetures d’hôpitaux locaux, déserts médicaux, déremboursements de médicaments, numérus clausus péniblement desserré dans les formations de médecins, kinés, infirmiers (d’où importations massives de praticiens non dipmômés en France, recours aux intérims dispendieux), endettement des hôpitaux publics, etc. Un chef-d’œuvre d’imbécilité technocratique et de gestion à courte vue confiée à des hauts diplômés à la formation de niveau bien dégradé. Et le comble, c’est que beaucoup trop de monde, ministres, hauts fonctionnaires, parlementaires qui le savent parfaitement s’en foutent, après moi le déluge. En attendant je me goberge !
3. Depuis des années on économise encore plus qu’ailleurs sur le dos de la santé mentale et surtout de la psychiatrie
Alors, dans ce contexte, la santé mentale, vous pensez bien… On va continuer à vous faire des numéros de clown triste, à vous peidre les lunettes e, rose avec de bonnes paroles, ça, ça ne coûte (presque) rien...
Là, vous vous dites « ce gars-là (l’auteur de ces lignes) exagère ! » Hélas que nenni. Vous pouvez aller « surfer » sur notre page informative voisine 150.000 CITOYENS SANS VISAGE. Tenez pour vous faire une idée d’ensemble, cliquez sur le lien de cet article de synthèse : https://150000citoyens-sans-visage.smartrezo.com/article-l-etat-deletere-de-la-psychiatrie-francaise-jette-par-milliers-les-handicapes-psychiques-a-la-rue-ou-en-prison.html?id=23646
Cet article remonte à 2020 mais n’a pas pris une ride, comme le démontre près de 500.000 consultations, un chiffre qui continue à grimper. Et si vous avez un moment, parcourez le dossier qu’il résume, envoyé en 2019 à toutes les hautes sphères jusqu’au Président de la République, vous savez, celui qui a écrit au sujet des handicapés lors de sa campagne de 2017 « comptez sur moi ». Ce document est maintenant un peu ancien, mais les chiffres et les constats sans appel qu’il formule sont toujours vrais et même ont inévitablement empiré. C’est un travail de fond qui n’a pas été remplacé depuis, et que Chef de l’Etat, du Gouvernement, ministres, délégué ministériel, Défenseur des Droits ont tous reçu et superbement ignoré. Voici le lien d’accès direct au PDF de ce document : https://150000citoyens-sans-visage.smartrezo.com/img/journal/70/PDFs/DossierGA.pdf
On a déjà donné pour cette triste comédie, dont il n’y a pas si longtemps les deux derniers numéros à grand spectacle que vous vous rappelez peut-être :
• Les Assises de la Sante Mentale et de la Psychiatrie (27-28 septembre 2021)
• La Conférence Nationale du Handicap (11/02/2020) ,
Voilà donc 4 ans depuis les dernières bonne résolutions (pas toutes, bonnes d’ailleurs) et l’on peut constater qu’il n’y a pas de quoi en présenter un bilan un tout petit peu consistant.
4. Une fabrique à « antécédents psychiatriques »
Quand il avait 11 ans (l’âge de la petite Louise odieusement assassinée dernièrement), en 1960, un descendant de l’auteur de ces lignes prenait tout seul le métro à 20h le dimanche soir pour traverser Paris et aller prendre le car scolaire à Stalingrad. Sans la moindre appréhension, ni de lui, ni de ses parents. Deux choses essentielles ont changé depuis. D’abord l’ambiance qui était beaucoup plus conviviale et bienveillante. Vous pensez bien qu’il y avait déjà des criminels, mais aucun adulte n’aurait jamais laissé un gamin se faire molestrer dans un wagon de métro, les écoliers ne se baladaient pas avec une autre lame en poche qu’un canif. Ensuite, au sortir de la guerre, il y avait en France, pour quoi ?, 45 millions d’habitants, 300.000 places dans les asiles – pardon, les hôpitaux psychiatriques – pour accueillir les « aliénés ». Ces asiles étaient trop souvent des lieux de maltraitance ou de non-traitance, 40.000 patients ont été laissés à l’abandon pendant la guerre et sont morts de faim. C’est alors qu’est né le mouvement de la désinstitutionalisation, qui a abattu les murs et les grilles et adopté une nouvelle école thérapeutique, la Psychothérapie Institutionnelle, en même temps qu’apparaissaient les premiers psychotropes.
Aujourd’hui, il reste moins de 50.000 lits en psychiatrie pour 70 millions d’habitants, et les ARS continuent à pousser à la fermeture .. Pour les soigner, (je dis bien soigner), on hospitalise 2 à 3 semaines les cas les plus graves, on, les shoote et remet dehors avec une ordonnance et un rendez-vous au CMP le plus proche pour renouveler les médocs qui les apaisent, en effet, mais leur donne l’illusion d’une rémission et provoquent des effets secondaires indésirables. C’est le « virage ambulatoire » dont se gagariisent les Autorités. Sauf qu’un grand nombre de patients ne virent pas et foncent dans le décor. Abandonnés à eux-mêmes, ils se livrent parfois à des actes violents, et même se laissent « radicaliser ». Et quand ils ont commis l’irréparable, les médias n’oublient pas de mentionner des « antécédants psychiatriques » et les juges les envoient en prison parce qu’ils ont arrêté leur traitement. Coupables d’être malades. Devinez dans quel état ils en sortent ? 0
Victimes doubles : la personne agressée et sa famille, et l’agresseur laissé en divagation. Premier responsable : l’Etat !
5. Sans illusion sur la « Grande Cause nationale »
Vous l’aurez compris sans peine, la politique de santé mentale, pour les psychoses chroniques en tout cas, est indigente et inefficace, même la Cour des Comptes le constate . Le virage ambulatoire est une foutaise inepte, car on l’a dit, les médicaments calment temporairement les phases de crise mais ne guérissent pas, seules les psychothérapies en milieu adapté peuvent faire progresser le patient vers un certain rétablissement et un minimum d’autonomie. Il y en a une palette étendue qu’on ne peut pas détailler ici, certaines anciennes comme la Psychanalyse (qui a beaucoup évoluée), d’autres plus récentes comme les TCC (Thérapies cognitivo- comportementales). Entre les deux nous plébiscitons pour sa remarquable efficacité la Psychothérapie (ou Psychiatrie) Institutionnelle née dans les années 50 avec le mouvement de désinstitutionalisation. Toutes présentent l’inconvénient de demander du temps, ce qui est inadmissible pour les tenants d’une médecine expéditive auxquels le domaine psychiatrique n’échappe pas. Actuellement les dernières cliniques de PI situées en Loir-et-Cher se voient contraintes par leur ARS de contingenter la durée de séjour des patients, ce qui est contraire à l’un des princupe fondamentaux de la PI. En même temps, les hôpitaux du secteur font le siège de ces cliniques pour recaser les patients qui traînent depuis trop longtemps dans leur service de psychiatrie (des « inadéquats »). Vous voyez un peu l’incohérence de ces bureaucrates à 32h/semaine.
Il y a, au moment où je vous parle, 12 millions de Français touchés par des troubles psychiques. Ça va du petit bobo à l’âme, du coup de blues aux psychoses chroniques. Parmi ces dernières (schizophrénies, bipolarités, dépressions profondes, certains autismes…) près de 3 millions entraînent un handicap/une invalidité à 80% ou plus. Vous voyez l’ampleur du problème ?
Alors ne vous étonnez pas du nombre d’« antécédents psychiatriques » qui jalonnent nos faits divers qui sont plutôt des faits de société. L’auteur vous souhaite de passer, vous et les vôtres, au travers les gouttes de sang. Sachez tout de même que la population handicapée psychiatrique est beaucoup moins criminogène que la populayion ordinaire, et que les malades psychiques sont très souvent victimes d’agression, plus que la moyenne.
Sur ce, je vous laisse méditer et retourne à mon siècle où la folie, peut-être moins répandue, n’était guère prise en charge. Vous n’avez pas fait beaucoup de progrès, ou plutôt vous êtes retombés bien bas après avoir connu la Psychiatrie la plus à la pointe au monde.
Capitaine Narcisse de Brissac des Mousquetaires du Cœur.